dimanche 24 octobre 2010

Sauvons les grévistes...



Alors là, le sommet est atteint. Celui de la connerie et de l'indécence...

Samedi matin, la préparation de quelque fête de famille m'amène à faire les courses rituelles à Guy Môquet, où certaines échoppes présentent une qualité de marchandise que certains beaux quartiers de Paris feraient bien d'imiter. Mais là n'est pas mon propos.

En sortant d'une belle boucherie (pas à cause d'une bagarre...), nous sommes alpagués par un mendiant qui tend sa moque métallique pour quelques piécettes. Un de plus. Mais non, car le quidam clame bien haut : "solidarité des grévistes !". Les bras m'en tombent, avec les paquets qui y sont accrochés. Ainsi, un clampin de la CGT, car en y regardant bien il arbore toutes ses "décorations", est là pour faire l'aumône de manière que les grévistes qui se donnent du mal sur le terrain puissent être dédommagés de leur engagement citoyen. Je dis stop !

Non seulement ces emmerdeurs nous plombent des journées avec manifestations, opérations escargots et autres blocages de raffineries, sans parler des métro et des trains qui font jouer l'usager à une roulette perdue d'avance, mais en plus ils viennent le week end nous soutirer une pièce pour les aider à affronter le manque-à-gagner de leurs journées d'action. Mais au lieu de se regarder le nombril et d'essayer d'attendrir le citoyen, ont-ils une idée de la situation dans laquelle ils mettent le pays en agissant de manière égocentrique ? Ils sont une minorité, car même si quatre millions de personnes font grève, en voyant large, ils ne représentent que 10% des travailleurs français. Nous nous laissons donc pourrir la vie par une poignée de glandeurs professionnels, soutenus par une presse de pompiers pyromanes qui attisent les braises pour en faire un brasier. Combien de temps allons-nous encore supporter cette main-mise syndicale sur l'économie de notre pays ? A-t-on réellement les moyens de se permettre un tel comportement, irresponsable et contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, totalement anti national ?

Le meilleur est toujours à venir. Samedi soir, Besancenot, futur patron du PS, se glorifiait d'une grande réussite puisque 6 000 euros avaient été récoltés lors de cette quête... 6 000 euros, pour soi-disant des centaines de milliers de manifestants. Mais de qui se moque-t-il ? De qui cette presse se fout-elle en relayant des informations aussi minables ? Admettons qu'il manque un zéro, même 60 000 euros ne pourraient subvenir aux besoins des ces batteurs de pavé. Tout cela est quand même pathétique.

Ne nous trompons pas sur ce que j'écris. Le droit à la contestation, oui. La grève, oui, en dernier recours et pour une véritable cause (ah, j'en vois qui réagissent : la retraite est une vraie cause, mais ce n'est pas le sujet de ce billet). Mais le bordel organisé par des hypocrites (car des discussions, il y en a eu, des rencontres et des échanges, il y en a eu) et la recherche de la paralysie du pays, NON !

Enfin, la question qui se pose porte sur le fonctionnement de l'autorité de l'État. Comment une telle situation peut-elle encore s'installer en France, et pourquoi nos dirigeants, et je ne parle pas des politiques mais des grands directeurs de nos administrations, ne peuvent-ils anticiper ces dérives ? J'ai bien une réponse, mais...

Qu'on se le dise !





mercredi 13 octobre 2010

Cette vieille jeunesse...



C'est quand même curieux que les extrêmes soient à ce point érigés comme des standards. Je m'explique.

Une récente publicité dérangeante a couvert de ses visuels repoussants les espaces publicitaires (trop nombreux) de nos villes. On y voyait quelques vieux déguisés en jeunes, avec une accroche, une supplique, un souhait malsain appelant à ne pas vieillir trop vite... Et alors quoi ? Vieillir est une tare ? Faut-il rester dans les canons d'une jeunesse étouffée par les apparences pour exister dans notre société en perte de repères ? Faut-il s'habiller comme nos enfants pour avoir encore le droit de se mouvoir dans nos cités formatées par les magasins de fringues ? Rester jeune, voilà donc le salut pour ces vieux qui communiquent sur facebook à partir de leur iPod ... Si t'es vieux, sois au moins invisible, cache-toi et fais pas chier... En tout cas, je ne mets plus les pieds chez Virgin qui ne veut pas de moi, quinqua sénile et ventripotent, engoncé dans des costards bon marché, qui ne sait ni surfer ni se bousiller les tympans avec des écouteurs accrochés aux lobes.

De l'autre bord, le débat sur les retraites éveille le dynamisme de notre jeunesse mature et responsable... Aujourd'hui, j'ai remonté le cortège de la manifestation qui s'étirait mollement de Montparnasse à Bastille. Je déjeunais à Maubert, et pour rentrer à mon bureau de vieux du boulevard Raspail, je suis allé à contre-courant, comme un saumon qui lutte contre le flux irréversible du fleuve. Pendant que la tête du lombric géant glissant sur le pavé se trouvait à la Mutualité, je pus constater en traversant la rue de Rennes que les derniers étaient encore au niveau de Montparnasse. Il y avait vraiment du monde. Mais ce peuple qui pense pouvoir inverser le cours des choses en battant la chaussée était composé pour les deux tiers d'étudiants, de lycéens, de jeunes godelureaux inconscients. Au cri de "Sarkozy t'es foutu, la jeunesse est dans la rue !", ils se donnaient des airs d'héritiers sans mérite de leurs parents, voire leurs grands-parents, qui cherchaient une plage sous les pavés en mai 1968. Quelle dérision... Qui sont ces jeunes de la génération zapping qui se projettent cinquante ans plus tard ?... Qui sont ces pauvres bougres qui écoutent le chant des sirènes d'une contestation infondée ? Qu'ils s'inquiètent plutôt de leurs études et se projettent sur leur futur métier, qu'ils ont déjà bien du mal à visualiser ou à choisir, au lieu de croire que leur branlette simili-politique va leur garantir un avenir. Ils ne savent déjà pas ce que c'est que travailler et on leur rebat les oreilles avec un disours sur la retraite... Que les hypocrites syndicaux et politiques qui les envoient jouer aux grands cessent de mettre en avant ces gamins pubères pour défendre des positions qui ne concernent qu'eux.

Alors d'un côté, il ne faut pas vieillir, et de l'autre on envoie les jeunes au casse-pipe pour défendre les vieux... Ben moi je suis un vieux jeune qui espère bien pouvoir être productif le plus longtemps possible, au service de mon pays, et un jour pour le plus grand plaisir de mon éditeur !

Qu'on se le dise !





dimanche 30 mai 2010

Terminé barre et machines




Voilà. Le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc, bâtiment de la Marine nationale, a mis bas les feux et arrêté les moteurs de barre pour la dernière fois. A 46 ans, elle rend ses derniers soupirs.

Pourtant, elle est encore vaillante, cette vieille baille. Avant d'arriver, elle a mis les machines sur le pont, montant à plus de 30 noeuds sur le fond, c'est-a-dire près de 60 km/h. Pour un engin de quelques milliers de tonnes, faut l'faire à son âge comme dirait le patron d'une maison de retraite. Ce fut, paraît-il, un moment exceptionnel, ce qu'on croit aisément. Le pacha, que j'ai connu élève lorsque j'étais chef de cabinet de l'amiral commandant l'Ecole navale (hé oui, ça passe...), me disait qu'il n'avait jamais descendu la Manche aussi vite. Et lors de la ribote de jeudi, il fallait voir le visage rayonnant du chef machines, le fameux Eagle 334. Il jubilait, heureux et manifestement comblé du sentiment du travail accompli. Le chef d'Etat-major soulignait pour sa part que la tenue extérieure de la machine était exemplaire et que l'âge n'avait pas d'emprise sur la qualité de l'entretien des locaux.

Mais surtout, le fier vaisseau n'a pas pris une ride. Jeudi soir, pendant le cocktail, j'ai pris le temps de m'y promener. Les coursives sont les mêmes qu'il y a 29 ans (hé oui, ça passe...), dans le jus, avec les odeurs, les bruits de fond, les perspectives et les repères visuels de tous ordres. Je me revis, l'espace de quelques secondes, dans ces longs passages, me collant parfois aux cloisons dans des coups de roulis plus marqués, gagnant le carré pour déjeuner dans l'ambiance sonore faite des appels de la diffusion générale. Je revis Albert Grimaldi, jeune élève, s'entretenant avec un officier-marinier devant le BSI (bureau du service intérieur), je revis les copains sirotant un gin-cointreau au bar OE (officiers-élèves) la veille de l'escale, je revis de la passerelle ces quarts de nuit où tout se construit, je revis le pont d'envol avec ses mouvements d'avions et ses cocktails improbables... Je revis aussi mon poste, cet endroit multitâches où le réveil fait place au cours du matin, où douze gamins poursuivent leur formation sous la houlette d'une officier subalterne expérimenté, où les coups de spleen font place aux blagues de potaches... Et puis je revis la salle de conférence, cette salle modulable, sorte d'amphi embarqué, où les cours magistraux à la mer étaient ponctués à l'escale par le discours d'accueil de l'ambassadeur. Je ne pus m'empêcher de me glisser une dernière fois dans le fond, un peu dans la pénombre de ce jeudi soir, pour laisser remonter ces instants où finalement nous étions tous réunis pour recevoir un seul et même message.

Il me vint alors la réflexion que ce bateau était bien plus qu'un vieux tas de ferraille à bout de souffle. Cette coque qui a connu toutes les mers du monde, et qui pour sa dernière traversée s'est offert le cap Horn et les chenaux de Patagonie, était avant tout le seul bateau de la Marine nationale sur lequel tous les officiers de cette institution ont embarqué pour parfaire leur formation. La Jeanne, c'est notre bateau à tous. Depuis 46 ans, tous les bordaches, tous les officiers de l'école militaire de la Flotte, tous les commissaires de Marine, tous les administrateurs des Affaires maritimes, tous les médecins de Marine dont les navalais, des ingénieurs de l'armement, de nombreux officiers étrangers, tous les grands chefs de notre Marine ont vécu environ une année sur ce bateau. Il est notre point de départ commun pour une carrière maritime. Il est notre référence commune, notre souvenir commun, le bateau nourricier des bases mutuelles. C'est ce qui en fait son caractère unique, c'est ce qui fait que nous en sommes tous son âme.

La remise de la flamme de guerre, avant le cocktail, fut un joli moment, une cérémonie innovante qui donna à cette soirée une solennité et une émotion méritées. Dans cette pièce de tissu qui n'en finit pas, dans ces 70 mètres d'étamine, plus de 5000 élèves, avec les équipages qui les ont accompagnés, tissent cette aventure gravée à jamais dans le coeur de chacun. Mais rien n'est fini.

Adieu la Jeanne. Tu vas rejoindre dans les mémoires et les récits le Borda, l'Iphigénie et ton illustre prédecesseur avec ses quatre cheminées. Ton descendant, le Dixmude, n'est pas encore à flots. Mais tout comme toi qui fut la Résolue, peut-être que le Dixmude reprendra ton fameux nom et portera de nouveau sur toutes les mers du globe les lettres blanches de Jeanne d'Arc.

(photo : Caroline K)

vendredi 29 janvier 2010

La mer n'est jamais loin...


...dans ce que j'écris.

Mon dernier roman, tout juste sorti. Il est disponible sur le site de l'Harmattan, ou dans toute librairie.

Voici le résumé qui figure au dos :

Entre le ciel et l'océan, deux hommes se rencontrent.

Paul habite en solitaire une petite maison au bord de mer. Louis vient se ressourcer dans une anse voisine. Leur occupation commune consiste à profiter de leurs points de vue sur la vie, et à converser sur divers sujets. Paul, vieux sage calme et posé, tente d'ouvrir les yeux de son interlocuteur, auteur comprimé par la ville et ses habitudes égocentriques. Louis a connu le succès littéraire et vient chercher dans la solitude littorale de nouveaux leviers afin de poursuivre ses travaux d'écriture.

Leurs échanges les conduisent sans attendre sur le chemin de l'amitié, construite au fil de leurs moments improbables au cours desquels Louis se débarrasse d'une carapace encombrante. Lorsque Paul sent que son compagnon quotidien est prêt à l'entendre, il lui livre un secret pesant.

Louis, pour sa part, se trouve transformé par cette semaine riche et puissante où un homme inconnu lui a transmis une forme de grâce. Dans le vent d'un soir, se matérialise leur amitié dont Louis devient le gardien éternel.


Bonne lecture.

mercredi 13 janvier 2010

Caroline K, le talent en mouvement


C'était à la fin du mois de juin 2009. Au pont inférieur d'une péniche, aux pieds de la tour Eiffel, une artiste peintre exposait son travail pour la première fois.

Dans un longue et large coursive, des toiles sont accrochées sur un bord, des toiles multicolores, où les bayadères se mêlent aux tortillons et aux fleurs, dans une harmonie de tonalités qui dénotent la maîtrise technique. Sur l'autre bord, face à ces toiles où l'on devine une suite puissante, pendent avec malice des dessins au galbe pur, mettant en scène des petites poules qui souvent tentent de transgresser la rigidité du monde en passant une patte par un carreau, ou s'accrochant à la lune comme à un ballon qui vous emporte pour fuir le vacarme quotidien. Le charme de ces personnages se retrouve dans les oeuvres que l'on découvre plus loin.

Au bout de cette coursive, les première poules sur des codes-barres nous sourient. Poules, poussins, la basse-cour s'ébroue sur des lignes noirs, que soutiennent des chiffres. Oui, ce sont bien des codes-barres, posés sur la toile comme les barreaux d'une prison sociétale. Les gallinacées, couvertes de fleurs plaquées et de couleurs vives, écrasent par leur légèreté ces témoins d'une civilisation du formatage, de la consommation à outrance, de l'enfermement dans les conventions et les acquis. Les poules ont l'air de bouger sur la rugosité d'un univers que Caroline K surmonte par la fraîcheur et la vérité de son art.

La dextérité de son trait associé à la finesse des couleurs nous transportent dans un monde où la révolte latente s'exprime avec humour et délicatesse. Dans le grand carré arrière s'affichent les toiles majeures par leur taille et leur sujet. Car il ne s'agit plus seulement de poules esbaudies, au regard mutin ou à la moue lascive, mais d'une fillette aux cheveux d'or, d'hommages pertinents à Magritte et à Mondrian, et d'une immense girafe à la robe fleurie, au regard interrogateur tourné vers ce tableau où les espèces animales en voie de disparition se succèdent, la dernière étant l'être humain, toujours sur fond de striures sombres. La force et l'énergie de ces grands châssis nous disent, en courbes précises et assurées, en contrastes marqués dans une luminosité remarquable, que Caroline K est plus qu'un peintre. Elle est un miroir, une traductrice de la société destructurée dans laquelle nous devons évoluer, en dépit des apparences formelles qui semblent nous guider chaque jour.

Après cette exposition, j'eus le plaisir, voire le privilège, de visiter son atelier. Dans une pièce de son domicile où chaque mur porte au moins une de ses créations, galerie chatoyante autant que privée, sous le toit percé d'un velux, son chevalet soutient sa dernière toile. Son dernier code-barre, me dit-elle. Une femme nue, au visage rentré dans les genoux, assise comme en tailleur, laisse sa chevelure couler sur ses jambes. Drapée d'un voile imprimé de fleurs et de pois aux multiples couleurs, elle montre dans sa nudité la fragilité de l'artiste qui surmonte l'âpreté des rayures sombres. Ce voile qui s'enfuit de la toile appelle la suite de son parcours pictural. Elle m'offre la possibilité de contempler d'autres travaux, et je découvre la face cachée de ce peintre aux facettes nombreuses, kaléidoscope vivant qui explore dans chaque tableau un thème qui lui est cher. Elle possède une zone interdite, un territoire sombre qu'elle conserve pour le moment, où les déchirures et les lumières de la nuit se retiennent pour un jour mieux éclater aux yeux du public.

La musique constitue un autre domaine où son sens artistique trouve un terrain expressif. Auteur-compositeur de chansons, pianiste avertie, elle eut en 1990 un succès londonnien qui ne trouva pas d'écho en raison d'obligations familiales et maternelles. Mais elle poursuit son chemin sur cette voie dans l'écriture récente de chansons aux textes acérés, tendres et précis, portés par des mélodies simples et pénétrantes comme ses tableaux. Son temps est consacré à la peinture, mais ses qualités musicales pourraient recevoir une réelle reconnaissance le jour où elle se penchera de nouveau sur son clavier.

Caroline K est un artiste réaliste, plus que figuratif. Elle peint avec précision, ignore le noir mais le fabrique si besoin, et parle de ses influences avec une réserve qui exprime son respect pour Klimt ou Kandinsky. La couleur est un véritable mode d'expression, les formes représentent l'esprit et l'assemblage construit une oeuvre éclectique, riche et poignante. Au mois de décembre, au cours d'une déambulation au marché de la création de La Bastille, je tombe sur son stand. Elle est là, entourée de petits tableaux où l'on retrouve ses petites poules. En particulier, les poules à Caro, clin d'oeil personnel, sont des petits formats où des poulettes rebondies, faites de papiers peints, se prélassent sur fonds de carreaux ressemblant à du Vichy de différentes nuances. Caroline K m'explique qu'elle se dédouble et crée Caroline K Pop, ligne de toiles accessibles, plus décoratives, sur des supports de lin naturel par exemple. Sa créativité et sa gaieté se retrouvent dans ces travaux légers et de grande qualité. Dès qu'elle manie son pinceau, quel que soit le format ou le sujet, elle saisit le regard et parvient à dire sa sensibilité, sans forcer, sans procédé ni tricherie. C'est là le vrai talent.

Il faut, sans hésiter ni tarder, découvrir Caroline K. Que ce soit sur son site internet web.mac.com/caroline.k ou son blog http://kotlapoule.over-blog.com, ou que ce soit dans ses expositions à venir (voir le programme sur son site, rubrique actualité). Cette artiste en pleine évolution recèle un potentiel qui va devrait prendre valeur dans les années à venir. Du reste, ses récentes toiles sur le mouvement confirment son brio, qu'elle parvient à faire progresser tout en conduisant une vie de famille en tant que mère de trois filles.

Le talent finit toujours par être apprécié. Caroline K est un cas remarquable qu'il nous appartient d'encourager en propageant notre plaisir de contempler ses oeuvres.