mercredi 9 septembre 2009

Armement durable

3 septembre 1939. Réagissant à l'invasion de la Pologne par les troupes allemandes, la France déclare la guerre, une nouvelle fois, à son voisin d'outre-Rhin. La “drôle de guerre” commence dans le désordre, le manque d'ordres et les ordres ineptes. Débâcle, exode, appel, armistice, occupation, résistance, dénonciation, déportation, extermination, collaboration, débarquement, libération, reddition, tous ces mots évoquent cette époque trouble, complexe, où le faux-pas était à l'affût dans chaque décision, où le bon sens se heurtait à l'idéologie, où la survie dictait les choix, même les pires.

70 ans plus tard, nous sommes toujours dans une situation de guerre. Certes, le décor, l'ennemi, le contexte, tout a changé. Mais nous luttons avec des armes pour défendre nos valeurs et notre sol. Des hommes, des soldats français, meurent au combat. Ce n'est plus à nos frontières, ils tombent sur des territoires lointains, contre des ennemis inconnus. La lutte contre les forces du mal, comme ce président inconséquent que fut Georges Bush l'avait pompeusement désignée, se déroule en des lieux chauds, rugueux, où l'ennemi ne porte pas d'uniforme, où le champ de bataille n'existe pas, où l'angoisse du combattant ne connaît pas la trève des lignes arrières. Il n'y a pas de lignes arrières…

Je ne veux pas ici disserter sur le principe du conflit continu, ni sur son bien-fondé, encore moins sur les stratégies et tactiques qu'il convient de développer pour le gagner. Mais je m'interroge sur ce qui pousse l'homme moderne, tourné vers le loisir, recherchant une douceur de vivre, à entretenir des foyers de combats.

A qui profite cette situation ? Qui tire de cette tension permanente un intérêt constant ? Les vendeurs d'armes. Nous sommes en situation de crise depuis quelques mois, enfin si l'on se fie à ce que les journalistes tentent de nous faire croire. L'industrie automobile dérape, les banques deviennent pauvres, l'immobilier se lézarde, les services ne sont plus ce qu'ils étaient. Mais un secteur continue de bien se porter : l'armement. Nous vendons des sous-marins, des avions, des radars, et tant d'autres équipements dont personne ne parle. Nous alimentons les arsenaux étrangers en missiles, en technologies, en une puissance de feu que seule notre dissuasion nucléaire est en mesure de tempérer. Nous bombons (sans jeu de mot…) le torse dès qu'une commande d'armement tombe dans l'escarcelle de notre industrie. Comment ne pas imaginer que les conflits sont soigneusement fomentés pour entretenir des lobbies de profiteurs ? Je pose la question, et j'espère une réponse…

Si encore la technologie de la guerre améliorait celle de la paix. Il n'en est rien. Les rares technologies duales, terme qui désigne une technologie militaire applicable dans le civil, passent inaperçues à nos yeux éblouis par les paillettes et les apparences d'un quotidien trompeur. Ou alors elles sont tellement intégrées dans notre vie de tous les jours qu'il est incongru de penser qu'elles viennent des armes. Un exemple ? Le four à micro-ondes. Un jour, un ingénieur travaillant sur ce type d'ondes dans une entreprise japonaise, fabriquant des radars, effectua une mauvaise manipulation et fit fondre ce qui se trouvait devant un canon d'ondes micrométriques, c'est-à-dire à très haute fréquence. On se rendit compte que l'agitation moléculaire induite par un faisceau d'ondes ultra-courtes pouvait chauffer par l'intérieur une structure qui y serait exposée. Ainsi naquit le four qui équipe toute maisonnée (ou presque). Quant à Internet, notre toile à tous, ce sont les militaires américains qui développèrent dans les années 70 le réseau Arpanet, portant le protocole IP, comme maillage de secours sur le territoire US. On ne peut parler véritablement de technologie duale car les applications universitaires puis publiques sont la continuité de l'existant et pas la dérivée d'une version militaire.

Les poudres et explosifs, les canons, les chars, les missiles, et autres instruments dont la délicatesse diaphane se dessine rien qu'à l'évocation de leur nom, n'ont aucune application immédiate dans notre parcours quotidien. En tout cas, aucune utilisation ne découle d'une maîtrise acquise par l'armement. Même l'aéronautique échappe à cette notion de dualité. Toutefois, certains industriels développent leurs compétences dans des axes civils autant que militaires. Les EADS ou Thalès, tout comme Dassault ou Safran, proposent dans leurs catalogues des équipements destinés à des domaines civils qui n'ont rien en commun avec les matériels développés à des fins de défense. Dans la grande majorité, les chiffres d'affaire réalisés dans l'armement sont supérieurs à ceux du secteur civil, pour une entreprise donnée. Et cela ne risque pas de changer. L'ancien militaire que je suis ne crache pas dans la soupe, je n'ai jamais été un salarié de cette industrie. En revanche, j'ai servi sans état d'âme avec ces matériels performants, dont j'étais plutôt rassuré d'être l'utilisateur. Je crois simplement qu'il serait temps de sortir de notre enfermement nombriliste et de réguler avec fermeté les potentiels militaires des acteurs de cette planète.

L'armement constitue une industrie protégée, choyée et supportée par les dirigeants de ce monde. Elle ne connaît pas la crise, nourrit des milliers de travailleurs et en tue d'autres milliers. Elle participe de l'enrichissement de dizaines de politiques et d'intermédiaires, et poursuit sans embûche son chemin sur la route du profit. Elle n'est pas prête de disparaître…

Ce doit être ça, l'écosystème, un équilibre entre ceux qui vivent et ceux qui crèvent…

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